Ce billet est inspiré, avec retard, par une critique, au demeurant selon moi très superficielle et erronée de la fête chrétienne de Pâques, publiée il a quelques semaines par le blogueur Satan Thinks.

Après avoir montré en quoi celui-ci échoue complètement à rendre compte de la conception chrétienne de la mort, du péché et du Salut, je développerai à rebours de celle-ci, en tant qu’ancien catholique devenu sataniste, ce qui pourrait constituer, selon moi, une forme d’attitude sataniste par rapport à la mort.

Le blogueur SatanThinks (ST) caractérise ainsi la fête chrétienne de Pâques :


By the Old Testament and its accompanying scripture, which was the Law, “sin” meant crime, and to be absolved of sin was to be pardoned of crime. Christians even today consider themselves to be sinners and thus “criminals” if not in a modern, legal sense then in the eyes of their god. So they consider themselves criminals, and what is Easter to them? It is a ceremony where, without a trace of guilt or regret, they pin their own crimes on Jesus and celebrate that he was tortured to death for them, rejoicing that they evaded judgment, penance, and repair for their wrongdoings.

Ces quelques lignes suffisent pour pouvoir affirmer que ST ne sait tout simplement pas de quoi il parle, et qu’il invente le christianisme qu’il combat, de même que la plupart des exorcistes catholiques inventent le satanisme contre lequel ils mettent en garde leur Église.

Il semble très approximatif, pour ne pas dire faux, d’affirmer que le mot « péché » dans l’Ancien Testament signifie « crime ». L’auteur, fidèle à son habitude, ne donne aucune source. Si l’on regarde, cependant la définition que les chrétiens donnent au mot « péché « , dans la réflexion qu’ils mènent sur leur foi, apparait significativement plus nuancée:

Les mots hébreu « chata » et grec « hamartia » qui sont traduits en français par « péché » signifient littéralement: manquer le but. Il vaut la peine de noter l’étymologie de ce mot, en particulier dans l’Ancien Testament où il est parfois employé au sens littéral. Cette expression servait alors à désigner un guerrier qui, avec une lance, une pierre ou une flèche, manquait son ennemi (voir Juges 20 : 16). Ce même mot servait également à décrire l’action de s’écarter du bon chemin, de tomber, de trébucher (Pr. 19: 2).

Dans le sens moral et spirituel, ce mot implique aussi un égarement du droit chemin tracé par Dieu. Le péché est toute pensée, parole, action ou désir contraire à la volonté de Dieu. La Bible dit que « le péché est la transgression de la loi » (I Jn 3 : 4).

Pécher, c’est faire un faux pas et manquer le but assigné à l’homme dans le plan divin, même si ce manquement est involontaire. « Celui donc qui sait faire ce qui est bien, et qui ne le fait pas, commet un péché » (Ja. 4 : 17). Lorsque l’homme n’atteint pas le but que Dieu met devant lui, il arrive moralement en-dessous. « Car tous ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu » (Ro. 3 : 23 version Darby).

 » Quelques notes explicatives sur le sens des mots PECHE – TRANSGRESSION – INIQUITE » Par Jean-Paul Berney
– Publié dans Promesses n° 52, Avril-juin 1980

De manière voisine, le Catéchisme de l’ Église Catholique définit le péché de la manière suivante :

1849Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme  » une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle  » (S. Augustin, Faust. 22, 27 : PL 42, 418 ; S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 71, 6).

1850Le péché est une offense de Dieu :  » Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait  » (Ps 51, 6). Le péché se dresse contre l’amour de Dieu pour nous et en détourne nos cœurs. Comme le péché premier, il est une désobéissance, une révolte contre Dieu, par la volonté de devenir  » comme des dieux « , connaissant et déterminant le bien et le mal (Gn 3, 5). Le péché est ainsi  » amour de soi jusqu’au mépris de Dieu  » (S. Augustin, civ. 14, 28). Par cette exaltation orgueilleuse de soi, le péché est diamétralement contraire à l’obéissance de Jésus qui accomplit le salut (cf. Ph 2, 6-9).

1851C’est précisément dans la Passion où la miséricorde du Christ va le vaincre, que le péché manifeste le mieux sa violence et sa multiplicité : incrédulité, haine meurtrière, rejet et moqueries de la part des chefs et du peuple, lâcheté de Pilate et cruauté des soldats, trahison de Judas si dure à Jésus, reniement de Pierre et abandon des disciples. Cependant, à l’heure même des ténèbres et du Prince de ce monde (cf. Jn 14, 30), le sacrifice du Christ devient secrètement la source de laquelle jaillira intarissablement le pardon de nos péchés.

Le péché n’est donc pas, pour les chrétiens, un crime comme n’importe quel autre, mais un crime spécifiquement contre Dieu. Et dans leur perspective, ils « n’épinglent » pas leur punition sur Jésus, ils ne troquent pas sa mort contre une forme de dispense de tout sentiment de culpabilité et de la volonté de réparer ce crime envers Dieu , trop contents qu’ils seraient de s’en tirer à si bon compte comme ST les en accuse. Ils considèrent au contraire sa mise à mort comme la perpétration de leur pire crime envers Dieu, la source d’une culpabilité infinie. Et en même temps, dans la mesure où par l’incarnation, Dieu s’est fait homme pour éprouver dans sa chair notre condition et nous donner un modèle de sainteté, où par l’acceptation de sa passion (sa torture) et de sa mort, il a pardonné ce crime infini, et au travers de lui, tous les péchés, et où, par sa résurrection, il a montré que son pardon était plus fort que le péché et que la mort, ils y perçoivent l’occasion d’une espérance infinie.

06 Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions.
07 Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien.
08 Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.
09 À plus forte raison, maintenant que le sang du Christ nous a fait devenir des justes, serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu.
10 En effet, si nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils alors que nous étions ses ennemis, à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés en ayant part à sa vie.
11 Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ, par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation.
12 Nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché.
13 Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à personne tant qu’il n’y a pas de loi.
14 Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir.
15 Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.
16 Le don de Dieu et les conséquences du péché d’un seul n’ont pas la même mesure non plus : d’une part, en effet, pour la faute d’un seul, le jugement a conduit à la condamnation ; d’autre part, pour une multitude de fautes, le don gratuit de Dieu conduit à la justification.
17 Si, en effet, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a établi son règne, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes.
18 Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie.
19 En effet, de même que par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle rendue juste.
20 Quant à la loi de Moïse, elle est intervenue pour que se multiplie la faute ; mais là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé.
21 Ainsi donc, de même que le péché a établi son règne de mort, de même la grâce doit établir son règne en rendant juste pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur.

Paul, Rm, 5, 6-21

Le sens de Pâques pour les chrétiens est en ce sens exactement le contraire de ce que ST y voit. Il ne s’agit pas, pour eux,  » sans aucune trace de culpabilité ou de regret « , de se réjouir  » d’avoir évité le jugement, le châtiment et la réparation ». ils y voient au contraire l’exigence de confesser la culpabilité constante née d’un péché fondamental, incessant, tel qu’il leur est presque impossible de s’en libérer par leurs propres forces, et en même temps la conscience d’avoir été pardonnés, de pouvoir avancer et espérer en quelque chose, d’avoir une alternative à l’enfermement dans le remords et l’échec. Celle-ci consiste en la possibilité de participer à la réparation de leur péché en se conformant au modèle de sainteté donné par le Christ au cours de sa vie terrestre. Et c’est cela qui est fêté à Pâques : non pas la joie mauvaise, la « Schadenfreunde« , d’avoir fui leurs responsabilités et de les avoir faites payer par un innocent, mais la joie d’avoir été pardonnés par celui qui a été leur plus grande victime, et d’avoir la possibilité de se convertir, d’accueillir le pardon offert, pour être à ce titre réceptacles et acteurs de leur Salut.

17 Mais rendons grâce à Dieu : vous qui étiez esclaves du péché, vous avez maintenant obéi de tout votre cœur au modèle présenté par l’enseignement qui vous a été transmis.
18 Libérés du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice.

Paul, Rm, 6, 16-17

Il est au passage révélateur du grand manque de sérieux de ST de feindre d’ignorer que la perspective du jugement et du châtiment est tout à fait présente dans la perspective chrétienne, d’autant plus qu’il n’hésite pourtant pas à utiliser abondamment par ailleurs l’image de l’enfer dans la mise en scène de son blog.

Bien sûr, il est sataniste, je le suis aussi, et nous rejetons tous les deux et la conception chrétienne du péché, et la « bonne nouvelle » de la résurrection des morts et du salut. Pour autant, désapprouver ne dispense ni de se renseigner, ni de faire preuve de rigueur et d’honnêteté intellectuelle, et ceci dans l’intérêt de notre propre « diabologie » (la réflexion que nous tentons de construire sur notre propre religion).

D’une part, ce genre d’analyse ignorante nous fait, pour le dire franchement, passer pour des idiots et n’aide guère à nous présenter comme une alternative sérieuse et crédible aux grandes traditions religieuses et à l’athéisme militant.

D’autre part, si les différents courants du satanisme actuellement existant ont un rapport assez hétérogène au christianisme, et n’en critiquent pas nécessairement les mêmes aspects, ni de la même façon, il reste qu’encore aujourd’hui, se dire sataniste implique une forme de rejet de tel ou tel aspect de la foi chrétienne, et que plus ce rejet s’appuie sur une connaissance superficielle de celle-ci, plus il a des sens de produire une conception superficielle de ce qu’est le satanisme. En en sens contraire, avoir une connaissance très précise de la doctrine chrétienne est l’un des éléments qui peut permettre de concevoir plus clairement ce qui nous pousse à nous réapproprier la figure de l’Adversaire qu’elle s’est donné, et à forger une définition consistante et cohérente du satanisme religieux, qui en a grand besoin aujourd’hui, tellement il semble en danger de dilution, ainsi que notre confrère blogueur The Devil’s Fane le rappelle régulièrement.

Ainsi, s’il est fréquent que des satanistes soulignent que notre religion, en s’affranchissant de la notion du péché et de la relation à un dieu transcendant, nous libère de la culpabilité et fait de chacun de nous son propre dieu, il reste que ce dieu n’est pas, lui, immortel ni plus fort de que la mort, et qu’il faut bien garder à l’esprit que nous nous affranchissons par la même de l’espérance chrétienne annoncée par Pâques : celle de la résurrection des morts, de la réparation des injustices et d’un bonheur éternel.

Si j’estime important de le rappeler, ce n’est pas pour le regretter, mais au contraire pour y substituer une conviction et un accueil de notre mortalité qui soient aussi solides, et qui permettent véritablement au satanisme de sortir de la « première phase » (LaVey) de la provocation pour s’élever au rang d’une véritable alternative en terme de règles de vie, de perspective existentielle et même, pourquoi pas, de spiritualité.

Certains satanistes répondront, et dans certains cas sincèrement, qu’ils ont un rapport tout à fait serein envers la perspective de leur mort et de celle de leurs proches. Pour autant, il est légitime d’attendre d’une religion un discours clair et précis sur une question aussi centrale pour nous tou.te.s, et ne pas la traiter expose certaines organisations satanistes au risque de de faire un usage superficiel (de « première phase ») de l’imagerie et de la thématique satanistes, et de ne tout simplement pas constituer une alternative sérieuse aux religions plus traditionnelles. J’ai en ce sens été intéressé par le parcours d’une relation Facebook, qui était sataniste (TST) lorsque nous sommes entrés en contact, et qui à la suite de la longue agonie de sa mère, atteinte d’un cancer en phase terminale, a fini, d’une manière qui m’a parue finalement assez prévisible, par se convertir au christianisme, sans doute tout simplement parce que le contenu de ce dernier lui paraissait donner plus de sens à ses épreuves.

Certains courants satanistes théistes assez anciens, ont attaqué cette question de front et défendu la possibilité que la « conscience isolée » puisse survivre à la mort du corps objectif, ainsi le Temple de Set, dans une perspective à mi-chemin d’une certaine interprétation mysticisante de l’égyptologie et des influences laveyenne et crowleyenne. Dans un registre différent, plus inspiré par la qabale qlipphotique et le gnosticisme le courant 218 semble aussi admettre cette possibilité d’une survie après la mort, en tout cas pour certains individus.

Dans un autre genre, l’organisation satanique ésotérique Satanhaus, localisée à Detroit, s’inspire de l’ontologie non dualiste des métaphysiques hindoue et bouddhiste pour identifier Satan au non-soi et au Vide. Leur profil Twitter comporte la phrase suivante « je préfère mourir qu’aller au Paradis » ( « I’d rather die than go to heaven« ) .

Concernant la perspective sataniste athée, qui est celle dans laquelle ce billet se situe, si force est de constater que le Temple Satanique a jusqu’ici purement et simplement ignoré cette question, elle est par contre présente dans les textes et pratiques de l’ Église de Satan.

Cimminnee Holt, une doctorante en Religious Studies qui réside au Québec et qui travaille sur l’ Église de Satan dans une perspective ethnographique, par ailleurs elle-même membre de cette organisation, écrit ainsi, dans un article intitulé « Death and Dying in the Satanic Worldview » (Journal of Religion and Culture, vol. 22/1, 2011, 33-53 p.) :

Perhaps  the  most important factor for Satanists is that they categorically reject the idea of an afterlife. This notion exhibits itself twofold. Firstly, by embracing one’s carnal and finite nature, a strong emphasis is placed on excelling at living well. Secondly, while I have stated that Satanists  do  not  adhere  to  the  idea  of  an  afterlife  or  any  spiritual  dimensions  to humankind, if we shift our perspective slightly, we begin to see that there does indeed exist a Satanic eschatology.

Les satanistes de cette organisation (qui considère au passage que l’étiquette « satanisme » n’est applicable qu’à ses seuls membres à l’exclusion de tout autre courant ou toute autre organisation) contestent, comme indiqué ci-dessus, toute finalité « spirituelle », autre que charnelle, à l’existence humaine. L’individu est son « propre dieu », c’est-à-dire qu’il revient à chaque sataniste de fixer sa propre loi et de rechercher la satisfaction de ses désirs comme il l’entend, mais qu’il est aussi seul responsable des éventuelles conséquences indésirables de ses choix :

Indulging responsibly and legally in the pursuit of pleasures, be it professional or personal,  is  a  prime  Satanic  ideal.  It  must  be  underlined  that  Satanists  accept  the consequences of their actions and consider self-control a desired trait (LaVey 2005, 81). “Indulgence, not compulsion” is an often-repeated mantra (LaVey 2005, 81). This can be understood  as  noting  that  rebellious  compulsion  is  considered  foolish  at  best, deplorable at worst (LaVey 2005, 81-86).

Les « rituels » (en particulier ceux définis dans la Bible Satanique : compassion, luxure et destruction), également désignés sous les termes de « chambre de décompression intellectuelle » et de « psychodrame », ont une finalité essentiellement cathartique, et visent à libérer le sataniste des effets psychologiques et émotionnels de l’anxiété et de la frustration.

Le satanisme laveyen se définit essentiellement comme une religion de la vie, qui accepte l’inévitabilité de la mort, mais en tire la revendication d’une existence particulièrement épanouie et mémorable, plutôt que l’espérance en un « au delà »:

This central point of focusing on real life endeavours functions as a version of life after death in the Satanic philosophy. Since there is a fundamental effort to improve quality of life and achieve excellence in various areas of interest, these accomplishments operate as promoters of the Satanist’s prestige and reputation. Although death is an unavoidable circumstance of  animal  life,  LaVey  contends  recognition  of  merit  while  alive is,  “Life  after  death through  fulfilment  of  the  ego”  (2005,  91).  The  idea  that  an  individual  has  sole  and complete control over the circumstances in which to provide meaning and passion to his life is a self-reinforcing philosophy. Emphasizing one’s natural abilities increases acknowledgment of their achievements, which in turn increases their notoriety, which in  turn  fulfils  their  Satanic  eschatological  ideal  pre-  and  posthumously.  It  this recognition of achievements, in a chosen field, that ensures the life after death. 

[…] both  men  indicate  that their passions in life are more important than details of death. Warlock JPL and Reverend JR both express a desire to be remembered well after a life spent accomplishing their goals, both treasure and value their loved ones, and both explicitly state that fear and anxiety of death are detrimental to a well lived life (pers. comm. Oct. 26 and Nov. 1, 2008). For Satanists, these sentiments reflect their overall approach to death and dying. That is, by rejecting any considerations of a spiritual afterlife, they are adopting a worldview that fully embraces their particular preferences for a life with deep emotional bonds, hard work,  recognized  accomplishments,  and  a  conscious,  self-aware  methodology  to achieving one’s aspirations. As LaVey writes in The Satanic Bible, “I am a Satanist! Bow down, for I am the highest embodiment of human life!” (LaVey 2005, 45).

Le satanisme laveyen, tant dans son discours sur la mort que par d’autres aspects (eudémonisme vs hédonisme, matérialisme, voire une certaine lecture que l’on pourrait me semble-t-il faire du clinamen de Lucrèce et que je tenterai dans un futur billet) , semble présenter plusieurs analogies avec l’épicurisme antique, ainsi que ce célèbre passage de la Lettre à Ménécée peut le suggérer :

Maintenant habitue-toi à la pensée que la mort n’est rien pour nous, puisqu’il n’y a de bien et de mal que dans la sensation et la mort est absence de sensation. Par conséquent, si l’on considère avec justesse que la mort n’est rien pour nous, l’on pourra jouir de sa vie mortelle. On cessera de l’augmenter d’un temps infini et l’on supprimera le regret de n’être pas éternel. Car il ne reste plus rien d’affreux dans la vie quand on a parfaitement compris qu’il n’y a pas d’affres après cette vie. Il faut donc être sot pour dire avoir peur de la mort, non pas parce qu’elle serait un événement pénible, mais parce qu’on tremble en l’attendant. De fait, cette douleur, qui n’existe pas quand on meurt, est crainte lors de cette inutile attente !
      Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n’est rien pour nous, puisque lorsque nous existons la mort n’est pas là et lorsque la mort est là nous n’existons pas. Donc la mort n’est rien pour ceux qui sont en vie, puisqu’elle n’a pas d’existence pour eux, et elle n’est rien pour les morts, puisqu’ils n’existent plus. Mais la plupart des gens tantôt fuient la mort comme le pire des maux et tantôt l’appellent comme la fin des maux. Le philosophe ne craint pas l’inexistence, car l’existence n’a rien à voir avec l’inexistence, et puis l’inexistence n’est pas un méfait.

Cette relative similitude philosophique entre satanisme athée et épicurisme a déjà été relevée par The Devil’s Fane :

Like Epicureanism, Satanism as I formulate it provides a materialist and mechanistic explanation for the existence and nature of the physical world; places humanity squarely within the animal kingdom, thus inculcating an inherently antispeciesist and antidominionist perspective on the natural world; rejects externalized values and identities in favor of seeing value rather as inhering within individuals and interpersonal relationships at the individual, rather than group, level; and finally privileges the pursuit and attainment of immediate returns and fulfillment over longer-term, delayed returns. Life is physical, valuable to individuals, shared across species, and meant to be enjoyed in the here and now. This is my religion in a nutshell.  

Elle a malheureusement été jusqu’ici été trop peu été étudiée, à ma connaissance, tant par les satanistes eux-mêmes que par les Satanic studies. Pour revenir à ce besoin, que nous partageons, The Devil’s Fane et moi, de contribuer, selon nos moyens respectifs, à la constitution d’une définition claire du satanisme, et d’un contenu « diabologique » consistant, il me semble que son approfondisssement permettrait un raffraichissement de perspective et des analyses plus profondes que les références parfois trop évasives et superficielles au satanisme romantique, à Nietzsche etc. J’essaierai de m’y atteler de mon côté dans de futurs billets, le temps de dépoussiérer mes lointains souvenirs de lecture sur Epicure et Lucrèce.

Enfin, un discours sataniste renouvelé sur la mort, qui tout en rejetant l’espérance en une vie future, pourrait donner un sens positif à notre condition mortelle, plutôt que d’être un point aveugle de notre religion, pourrait s’inspirer du mouvement death positive. Celui-ci, né aux États-Unis à l’initiative de thanatopractrices, d’artistes et d’universitaires , qui en lui même n’a rien de spécifiquement sataniste et accueille des membres de toute appartenance religieuse, cherche à contrecarrer une certaine mise sous silence de la mort dans notre société, et à developper de nouvelles formes d’expressions et de réflexions visant à la fois à la rendre plus visible, et à mieux l’accompagner et l’accepter. Ce mouvement milite aussi pour des alternatives plus écologiques à l’inhumation dans un cercueil, et pour une meilleure information sur celles-ci.

L’Ordre de la Bonne Mort, qui en est l’une des manifestations les plus visibles, se donne sur son site la mission suivante:

I believe that by hiding death and dying behind closed doors we do more harm than good to our society.

I believe that the culture of silence around death should be broken through discussion, gatherings, art, innovation, and scholarship.

I believe that talking about and engaging with my inevitable death is not morbid, but displays a natural curiosity about the human condition.

I believe that the dead body is not dangerous, and that everyone should be empowered (should they wish to be) to be involved in care for their own dead.

I believe that the laws that govern death, dying and end-of-life care should ensure that a person’s wishes are honored, regardless of sexual, gender, racial or religious identity.

I believe that my death should be handled in a way that does not do great harm to the environment.

I believe that my family and friends should know my end-of-life wishes, and that I should have the necessary paperwork to back-up those wishes.

I believe that my open, honest advocacy around death can make a difference, and can change culture.