Un documentaire ( ou plutôt un hagiomentaire, c’est-à-dire, le néologisme est de moi, un documentaire hagiographique, d’après des contacts informés), intitulé Hail Satan ? ,réalisé par Penny Lane ( Our Nixon, Nuts !), et présenté il y a un mois au Sundance Film Festival, va très prochainement sortir en salles, en tout cas aux Etats-Unis, et probablement permettre au Temple Satanique d’accroitre sa visibilité déjà très importante pour une organisation ouvertement sataniste, et d’attirer de nouveaux membres.

Moi-même un ancien membre, de décembre 2015 à l’été 2018, je tiens à mettre en garde les francophones éventuellement intéressés par cette organisation, qui derrière l’image potache et les grands discours sur la lutte pour la justice sociale et contre la dérive théocratique du christianisme américain qu’elle revendique dans les médias et sur les réseaux sociaux, dissimule des pratiques autocratiques et sectaires, une grande opacité financière et un discours politique profondément ambigu, et très éloigné de l’image de protectrice des droits des minorités qui lui est souvent accolée, par ses défenseurs comme ses détracteurs.

Je détaillerai et argumenterai mes propres griefs dans un futur billet en cours d’écriture. En attendant, voici un florilège de critiques d’anciens membres, qui viennent d’horizons géographiques et sociaux divers, qui ne se sont pas toujours entendu entre eux, mais qui convergent tous dans une commune dénonciation de The Satanic Temple. Les thuriféraires de ce dernier balaieront, comme à chaque fois par le passé, ces critiques comme les récriminations d’une poignée de membres aigris en quête de leur quart d’heure de célébrité. Il s’agit pourtant de plus d’une demi-douzaine de chapitres, le départ des chapitres italien et du Royaume-Uni ayant par ailleurs entrainé dans son sillage celle de la totalité des groupes de sympathisants européens.

Pour saisir de façon générale le contexte qui a mené au « grand schisme » de l’été 2018, on peut lire cet article factuel paru dans Jezebel, et signé par Anne Merlan, une journaliste qui suit TST depuis le début:

The Satanic Temple Is Engulfed in a Civil War Over a Decision to Hire an Attorney With a Stable of Alt-Right Clients 

Je ne vais pas citer ici tous les statuts ou articles parus d’anciens chapitres annonçant leur départ, et je m’en tiens pour ce billet aux plus développés et significatifs. A chaque lecteur de se faire son opinion et d’approfondir s’il le souhaite:

  • Chapitre de Détroit:

Par Jex Blackmore, ancienne responsable du chapitre et porte-parole nationale de TST:

« The Struggle for Justice is Ongoing »

  • Chapitre de Los Angeles (désormais The Satanic Collective) :

Cet ancien chapitre a détaillé les raisons de sa défection initialement sur Facebook. TST ayant exercé des pressions juridiques sur ses responsables pour récupérer les codes de la page Facebook et du compte twitter, l’annonce est cependant toujours disponible sur Instagram.

  • Chapitre de New York City :

Par Ash Astaroth, ancien fondateur et co-responsable du chapitre, qui a également résidé plusieurs mois au sein du quartier général de Salem, avant d’être sommairement mis dehors (EDIT : Ash Astaroth indique en commentaire du présent billet avoir travaillé à Salem, non pas seulement plusieurs mois, mais plus d’un an, en collaboration directe avec l’Executive Ministry).

The Satanic Temple is a business cult of alt-lite asshole trolls. Unfollow.

Par Emma Story, ancienne co-responsable du chapitre :

Why I am leaving The Satanic Temple.

  • Chapitre de Saint Louis (désormais Ordo Sororitatis Satanicae) :

Par Nikki Moungo, ancienne co-responsable de chapitre:

As Witness and Mesure Taken, To Pronounce : The Satanic Temple _ My Experience.

Par Gwendolyn Lesch, ancienne co-responsable du chapitre :

Rise, Decline and Fall : My Time in The Satanic Temple and Beyond.

Le chapitre de Saint Louis a par ailleurs été au premières loges d’une bataille juridique sur plusieurs années entre l’Etat du Missouri et The Satanic Temple, qui s’est soldée très récemment par un échec cuisant pour ce dernier, concernant les droits reproductifs. TST prétendait représenter les droits d’une femme désignée par le pseudonyme de Mary Doe, et lutter contre les restrictions trop importantes imposées par la législation du Missouri au droit à l’IVG, au nom de sa liberté religieuse en tant que sataniste et en particulier l’inviolabilité de son corps ( 3ème des 7 « tenets » de TST). Il semblerait que cette organisation l’ait au contraire manipulée, instrumentalisée, et contrainte juridiquement au silence et à l’isolement, comme elle vient elle-même d’en témoigner :

Mary Doe Speaks : Her Story – The Satanic Temple, A Case Experience.

Lucien Greaves ayant réagi de manière virulente et méprisante sur son site personnel, Nikki Moungo lui a adressé une réponse en deux parties :

Part. 1 of 2 : Mary Doe deserves Compassion, Not Ridicule.

Part. 2 of 2 : The Devil’s in the Details : A Response to Lucien Greaves of The Satanic Temple.

J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit que de quelques exemples parmi les plus significatifs, et pas de la totalité des individus ou groupes qui ont quitté The Satanic Temple, qui sont beaucoup plus nombreux et expriment pour la plupart des griefs similaires. Il semble d’ailleurs que Penny Lane, dans la préparation de son documentaire, a interviewé plusieurs de ces anciens membres, en leur faisant miroiter un traitement détaillé du schisme de cet été, ce qu’elle n’a finalement pas fait, hormis une apparition, tout à la fin du film, de Jex Blackmore.

Enfin, un site antifasciste intitulé Trident Antifa a commencé à publier une série d’articles très documentés, qui dénoncent les collusions de plusieurs membres dirigeants de The Satanic Temple, dont Lucien Greaves, avec plusieurs personnalités de l’alt-right, et le harcèlement infligé à d’anciens membres. Il me semble que même des lecteurs qui auraient des réserves quand à l’identité de ce blog ou à la tonalité de ses articles ne peuvent que convenir qu’il apporte plusieurs éléments de preuves troublants :

Fascism in The Satanic Temple Part 1. : Free Speech.Il n’existe pas actuellement de chapitre français de TST, et je déconseille à d’éventuels candidats de rejoindre cette organisation. L’ancien groupe « Friends of TST France – Belgium – Switzerland » , que j’ai créé et co-dirige, est désormais le chapitre francophone de The Global Order of Satan (ex Satanic Temple International), issu du schisme cet été de la totalité des groupes européens, officiels ou non, et de leur collaboration avec des groupes austronésiens et du Proche et Moyen Orient.